Baptiste Carrouché, Directeur général de la Ferme de la Tremblaye

« Les certifications consacrent tout ce que la ferme fait pour le territoire.»
Située dans les Yvelines, dans la verte forêt de Rambouillet, la ferme de la Tremblaye est une ferme en polyculture élevage de 143 hectares cultivés en agriculture biologique (conversion achevée cette année) et un cheptel de 150 vaches laitières et 350 chèvres. La ferme emploie 50 salarié.e.s., dont la moitié travaille à la fromagerie qui produit chaque année 400 tonnes de fromages. Les produits de la ferme (12 variétés de fromages, 6 yahourts, crème, lait, miel et jus de pommes, sont commercialisés pour 50% en vente directe à la boutique à la ferme, à la coopérative Bio d’Ile de France et à des grossistes. Les 50% restants partent à l’export: les fromages de la ferme ont trouvé un public aux Etats-Unis et en Australie notamment.
La ferme est aujourd’hui labellisée ISO14001, B Corp, et AB.
Fondée en 1967, la Ferme de la Tremblaye était une ferme céréalière conventionnelle, disposant d’un petit élevage de moutons. Elle s’est développée au fil des années, avec l’introduction de vaches laitières, puis la construction de la fromagerie. En 2006, les dirigeants de la ferme l’engagent « dans des démarches environnementales et dans un changement de vision complète de l’avenir, avec une préoccupation des enjeux sociaux, sociétaux et environnementaux.», explique Baptiste Carrouché, son directeur général.
La mise en place d’une chaudière à bois pour chauffer la fromagerie (et aujourd’hui la trentaine de logements mis à disposition des salariés), vaut à la ferme la labellisation ISO14001 (norme qui repose sur un principe d’amélioration continue de la performance environnementale par la maîtrise des impacts liés à l’activité de l’entreprise). Le bois est prélevé sur 260ha de forêt certifiée PEFC (gestion durable).
En 2007/2008, Henri Cazajus prend la gérance de la ferme et poursuit l’inscription progressive des pratiques agricoles dans une démarche agroécologique : arrêt du labour, arrêt des traitements insecticides et fongicides, allongement des rotations, passage au semis direct...
En 2012, l’élevage s’est développé, la gestion des effluents d’élevage devient compliquée et la ferme a besoin de davantage d’énergie. L’équipe met en place une unité de méthanisation - premier méthaniseur agricole en Ile de France -, qui produit de la chaleur et l’équivalent en électricité, de la consommation annuelle du village de la Boissière Ecole et ses 700 foyers. Comme c’est l’usage, l’énergie produite est revendue à ERDF/Enedis et la ferme rachète à l’opérateur ce dont elle a besoin. Le bilan est positif puisqu’entre la chaudière à bois et le méthaniseur, elle produit plus d’énergie qu’elle n’en consomme.
La méthanisation permet aussi de « fermer le cycle de production » de l’élevage. « Nos cultures servent à alimenter nos troupeaux ; ils font le lait, la viande et produisent des effluents. Le lait est valorisé dans la fromagerie pour satisfaire le consommateur. Le petit lait retourne à la méthanisation avec les effluents d’élevage ; avec, on produit de l’énergie et un digestat qui est idéal en amendement et pour la fertilisation. », détaille Baptiste. Auparavant, les effluents étaient stockés à l’air libre dans des fosses, ils sont depuis l’installation du méthaniseur, stockés en cuves à l’abri de l’oxygène et des infiltrations d’eau. Un indéniable plus pour le bilan carbone de la ferme.
« La bio s’inscrit comme un pillier du système agroécologique »
Lorsque Baptiste prend ses fonctions de Directeur Général en 2017, la crise de la contestation autour du glyphosate fait l’actualité. La ferme en utilise encore sur les cultures en agriculture de conservation. « Je ne me voyais pas utiliser des produits, ni demander à mes salariés de le faire. Et puis c’est très compliqué de dire qu’on améliore la biodiversité, qu’on ne travaille pas le sol, mais qu’on utilise quand même du glyphosate. On a souhaité aller au bout de la démarche. Supprimer le glyphosate était la dernière chose qui nous manquait pour passer en bio.» Pour récompenser ou plutôt, comme il le dit lui-même, « valoriser tous ces efforts », la demande de certification bio est venue tout naturellement.
Pendant la conversion, la ferme a poursuivi l’amélioration des pratiques: « Arrêt du glyphosate, réduction du travail du sol, arrêt du semis direct intégral sauf sur quelques cultures. On fait beaucoup moins de maïs, mais on a implanté davantage de prairies, de luzerne. On a remis des céréales à pailles diversifiées, de l’épeautre, des mélanges d’avoine, de féveroles.. On a des cultures implantées pour plusieurs années. Par exemple, je mets en place une culture de céréales et j’y sème ma luzerne ou ma prairie qui va repousser. Donc je n’aurais pas de travail de double mécanisation pour implanter. Et on réapprend les associations de végétaux les uns avec les autres »
« 98% de l’alimentation des animaux est produite à moins de 10km de la ferme, le reste ce sont des minéraux et des vitamines ».
L’alimentation du bétail est complétée par des contrats fourragers passés avec 3 agriculteurs voisins. Ils ont vu dans ce débouché, une opportunité d’opérer eux aussi leur transition vers l’agriculture biologique, de ne plus dépendre des aléas climatiques sur la combinaison blé, orge, colza, de rendements en chute et de s’affranchir de la dépendance aux cours mondiaux des céréales. Ils ont introduit du maïs, de la luzerne et des prairies dans leur assolement et allongé les rotations. La ferme de la Tremblaye profite ainsi d’un environnement de 700ha cultivés en agriculture biologique.
En février 2020, elle devient la première ferme d’Europe certifiée B CORP, un label reconnu au niveau international qui valide le système RSE (Responsabilité Sociale et Environnemental) de l’entreprise pour 3 ans. Il faut ensuite de nouveau se soumettre à un audit, des contrôles, des règles de transparence avec des obligations de résultats et d’amélioration.
La conversion des terres en bio s’est achevée en mai cette année. «Nous essayons de conduire une ferme cohérente ouverte sur le territoire, résume Baptiste. Notre système agroécologique respecte le sol, l’environnement, l’eau, le bien-être animal, l’humain et son bien-être au travail, cherche à satisfaire le consommateur, recherche de la cohérence en matière de consommation d’énergie et de ressources. Les certifications consacrent tout ce que la ferme fait pour le territoire. C’est un moyen de communication et en interne, c’est important pour s’améliorer : elles sont là pour que nous gardions notre ligne de conduite. ».
→ Fanny HEROS
Responsable de la Communication
07 86 51 87 33