Laura Normand, maraîchère (77)

«Je voulais nourrir ma famille avec de bons produits »
Fille d’un exploitant agricole conventionnel et d’une mère travaillant à l’extérieur, Laura Normand s’est installée en maraîchage biologique, d’abord pour nourrir ses enfants avec des produits de qualité. Si cet objectif-ci est atteint, reste que la vie d’une jeune maman maraîchère demande un peu d’organisation.
Tu t’es installée en maraîchage sur une partie des terres de ton père, céréalier conventionnel, quel est ton parcours vers l’agriculture biologique ?
J’ai un bac pro en production florale et légumière et un BTS technico-commercial. J’ai été élevée à la campagne et à la ville. J’ai fait la moisson avec mon père. Ma grand-mère avait un magnifique potager, je l’aidais à faire les récoltes. J’ai toujours baigné dans l’agriculture, dans le milieu des fleurs et des légumes.
Enceinte, j’ai voulu changer mon alimentation. Je ne trouvais rien de correct dans les grandes surfaces. Alors je me suis dit «écoute Laura tu vas avoir des enfants, fais ta production, tu sauras ce qu’ils mangent».
La SAFER m’autorisait à acquérir une parcelle pour du maraîchage, j’ai saisi l’opportunité et je me suis installée sur 1ha34.
Et maintenant mes 3 enfants ne mangent que mes légumes.
Tu as démarré en MAE zéro pesticides.
Oui, je suis dans ma 5e année d’installation, mais en 2e année de conversion vers l’agriculture biologique. Je produits des légumes sans pesticides depuis le début. C’est vrai qu’avec le label AB, c’est beaucoup plus clair pour la clientèle.
Est-ce que le fait d’être sur une zone à enjeu eau influence ta pratique ?
J’ai de toute façon une pratique qui protège la ressource en eau. Je suis presque autonome : 80% de l’eau qui arrose mes cultures, est de l’eau de pluie récupérée. Quand il faut, j’ai de l’eau de ville, mais c’est minime. J’ai une capacité de récupération de 43m3. C’est un plus sur le territoire de L’Ancoeur, mais petite maraichère d’1ha34, c’est pas grand-chose par rapport à toutes les exploitations qu’on a à côté.
Comment s’est passée l’installation?
Se faire respecter quand on est une femme dans un milieu très masculin, c’est très dur. Quand vous appelez pour un devis pour un tunnel, vous n’avez pas de réponse. Il faut réussir à s’imposer.
La SAFER a été un appui pour trouver la parcelle, après j’ai eu les aides classiques à l’installation. Pour trouver les clients, je me suis débrouillée beaucoup toute seule.
Il ne faut pas se dire qu’on s’installe en maraîchage juste pour changer de vie, il faut des réelles convictions. Moi je voulais nourrir ma famille avec de bons produits. A partir de là, je me suis dit si je peux en vivre c’est mieux et donc en faire profiter mes clients.
Quels sont tes débouchés ?
Je travaille en général avec des clients fidèles, j’ai aussi des clients de passage. 80% de paniers hebdomadaires et un peu d’internet pour toucher une clientèle plus parisienne.
Comment s'organise le travail à la ferme ?
Avant, on était en permanence sur l’exploitation. Moi toute seule la semaine et avec mon mari le weekend, parfois un peu mes parents. Maintenant il faut s’occuper des enfants. Il faut réussir à faire autant de choses en moins de temps. Je prends les commandes 48h à l’avance. J’essaie d’éviter les allers et retours inutiles au champ. C’est une organisation qu’il a fallu avoir pour que je puisse m’en sortir. Je rentre dans ma 5e année et là je me sens opérationnelle.
Financièrement tu t'en sors ?
Au bout de 5 ans, on peut se verser un peu de bénéfice, mais on a quand même beaucoup de charges. Après, se nourrir sainement n’est pas donné et on en a en abondance : c’est de l’argent qu’on ne verse pas ailleurs. C’est un équilibre, mon mari travaille à l'extérieur, moi je fais ça, ça fait la balance.
Propos recueillis par Fanny Héros, chargée de communication aux adhérents et multimedia du GAB IdF 07 86 51 87 33
Extrait de l'entretien publié intégralement dans le Francilien Bio (n°45), et réalisé dans la cadre du projet «Portraits d’agriculteurs», soutenu par l’Agence de l’Eau Seine Normandie. Ces portraits sont des outils de sensibilisation à l'agriculture biologique.