Sophie Van de Velde, maraîchère bio (77)

«Avant que mes parents acceptent de me céder des terres, il a fallu que je fasse mes preuves.»
Après 10 ans en tant que graphiste dans les jeux vidéo, Sophie Van de Velde s’est installée début 2017 en maraîchage biologique sur les terres familiales, du côté de Brie-Comte-Robert (77). Issue d’une famille d’agriculteurs, son père est céréalier en conventionnel, son histoire est néanmoins celle d’une personne en reconversion professionnelle, qui a dû franchir tous les obstacles associés à l’installation agricole.
Qu’est-ce qui a motivé ta reconversion et ton installation en maraîchage biologique ?
J’avais fait le tour dans mon travail, j’avais envie de faire autre chose. En parallèle, mes parents arrivaient à l’âge de la retraite et notre ferme menaçait de disparaître. J’y tenais beaucoup, c’est le dernier corps de ferme briard à vocation agricole, à Brie-Comte-Robert. La solution la plus simple pour la préserver, c’était que je m’installe. Les céréales ne m’attiraient pas. Je ne connaissais pas du tout le maraîchage, mais je me suis renseignée petit à petit. Je ne me voyais pas cultiver autrement qu’en bio. Je voyais ce que c’était de manipuler les produits au quotidien. Par ailleurs, j’étais très militante dans l’environnement, c’était quelque chose qui me touchait.
Quelles ont été les différentes étapes de ton parcours à l’installation ?
Avant que mes parents acceptent de me céder des terres, il a fallu que je fasse mes preuves. J’ai fait des formations avec le pôle Abiosol (De l’idée au projet, Paysan Demain, plusieurs formations courtes), j’ai rencontré pas mal de maraîchers et j’ai découvert ce qu’étaient les AMAPs. Quand j’ai eu tous les signaux comme quoi c’était possible d’en vivre, je me suis lancée. J’ai bénéficié d’un licenciement économique, ce qui m’a permis d’enchainer par un BPREA. Après, je suis entrée en couveuse avec les Champs des Possibles chez Laurent Marbot pendant un an. A la fin de cette année-là, je me suis installée. Si j’avais pu passer plus de temps en couveuse, je l’aurais fait.
Quelles ont été tes personnes ressources ?
Laurent, qui continue de m’accompagner. Après la couveuse, j’ai fait un contrat de parrainage avec lui et au-delà de ça, je vais le voir quasiment toutes les semaines. Il continue de m’aider énormément. Je lui pose plein de questions. Il est venu plusieurs fois faire des tours de terrain.
Son AMAP parraine la mienne et a beaucoup participé à sa création. Ils ont renvoyé vers mon AMAP toutes les personnes sur leur liste d’attente ainsi que toutes les personnes qui les sollicitaient. Ça a été un gros soutien pour démarrer. Bien avant les premiers paniers, j’ai beaucoup sollicité mes amapiens pour monter les clôtures, planter des arbres, plein de trucs ! Ils n’avaient toujours pas de légumes pendant tout ce temps. C’était aussi un moyen de leur montrer que petits à petits les cultures arrivaient, les légumes grossissaient. Avec le recul, je me dis qu’ils étaient vraiment très motivés.
Comment ta famille a-t’elle vécu cette installation ?
Après mon BPREA, mes parents n’étaient toujours pas très convaincus. Quand je suis rentrée en couveuse, ça a changé beaucoup de choses parce qu’ils ont rencontré Laurent. Ils sont venus voir sa ferme et sont revenus en se disant « Ah ouais, c’est une belle ferme! Les champs bio ce n’est pas juste des champs de mauvaises herbes ». Mes parents avaient un peu cette image du maraîchage légumier avec beaucoup de travailleurs en saison. Laurent avait assez de recul pour leur dire qu’il se payait correctement et qu’il ne devait pas embaucher une armée de vingt personnes pour bosser avec lui. Je leur ai ouvert la possibilité d’un autre modèle. C’est ce qui les a décidé à me louer quelques hectares.
Aurais-tu des conseils à donner à un futur installé?
Il faut bien préparer son projet avant de se lancer pour être sûr dans sa tête que ça va marcher. Lorsqu’on a une vision claire du projet, on peut la transmettre aussi bien au banquier, à la mairie ou à ses proches.
Propos recueillis par Karine Lé, chargée de mission Installation / Transmission au GAB IdF - 06 88 63 34 74
Extrait de l'entretien publié intégralement dans le Francilien Bio (n°44), et réalisé dans la cadre du projet «Portraits d’agriculteurs», soutenu par l’Agence de l’Eau Seine Normandie. Ces portraits sont des outils de sensibilisation à l'agriculture